Les autres. Deux mots, qui parlaient de tant de gens. Les autres qui n'étaient pas des filles. Les autres qui n'étaient pas seuls, qui ne se posaient pas sans cesse des questions que personne ne se posaient. Les autres qui passaient devant Chouko sans même avoir conscience de son existence, alors qu'elle les observait attentivement; A vrai dire elle n'avait rien à faire ici. Elle était venue patienter sans aucun but ordinaire : afin d'être aux milieu d'êtres humains. Elle restait là, assise, et les regardait, des heures, sans trop sourciller, elle aimait leur coupe de cheveux, ou au contraire leur en inventait une qui leur allait mieux.
Cette après midi n'était pas une après midi si banale. Pourtant ce n'était pas un loisir inhabituel non plus pour elle. Un soupir intérieur lui vint. Puis elle ne put s'empêcher de pousser un gémissement discret, afin de manifester son ennuie. Oui, cette vie était d'un ennuis, cela et puis tout ce qu'elle faisait. Pourtant, peu de gens avaient des loisirs aussi simples, qui demandaient tant d'imagination et peut être aussi une bonne dose de sensibilité à son prochain. Mais elle se désespérait. Qu'y avait-il à espérer ? Elle ne désirait rien de particulier. Rien ne lui tenait vraiment à coeur, et rien qui puisse lui être offert matériellement ne l'aurait sortie de sa torpeur mentale. Le glas insipide de la réalité l'accablait, et elle restait scotchée au banc dans ce centre commerciale ou elle s'était assise, comme on rentre dans une tombe : c'est à dire le teint glacé, les yeux comme la bouche inexpressifs, le corps vide de couleurs, et comme si rien n'animait plus ses membres.
Elle se rassit un peu mieux et soupira à nouveau. Il allait bien falloir qu'elle trouve une solution à tout cet ennuis. Mais pourquoi ce jour serait-il différent d'un autre ?